Haïti - MINUSTAH: lorsque l’occupation est une violation des droits de l’homme

Iolanda Fresnillo / Jubileo Sur
2014-08-23 03:00:00

Par où commencer lorsque la violation des droits de l’homme dans un pays comme Haïti est constante et presque toujours impunie?

 

Antonal Mortimé, secrétaire exécutif de la Plate¬forme des organisations haïtiennes des droits de l’Homme (POHD) est clair: “la présence de la MINUSTAH est l’une des principale violation des droits de l’homme dans notre pays. Il viole l’article premier du Pacte relatif aux droits civiques et politiques, ce qui constitue une atteinte à la souveraineté nationale et une violation du droit à l’autodétermination du peuple haïtien.” Cela est confirmé par le rapport soumie par la POHDH à Gustavo Gallon, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, qui a prit ses fonctions fin Septembre 2013.

 

En effet, l’article 1 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques annonce (et ce n’est pas si mal de se le rappeler en ces temps ci): “Tous les peuples ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et leur développement économique, social et culturel”.
Ainsi, un village occupé par des forces militaires étrangères, comme le vivent la plupart des haïtiens et haïtienne, ne peut pas décider «librement de son statut politique.”

 

MINUSTAH est la Mission des Nations Unies pour la stabilité en Haïti. Les casques bleus des Nations Unies déployés pour le ” maintien de la paix » (peacekeeping) après la crise politique qui a pris fin en 2004 avec le vol/l’enlèvement du président élu, Bertrand Aristide, prouve que c’était un ” coup d’Etat moderne »et la mise en place d’un gouvernement intérimaire, le tout sous la tutelle de pays comme les États¬ Unis, le Canada et la France. Le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 1529 du 24 Février, 2004) a alors adopté le déploiement d’une force multinationale afin d’ “aider à sécuriser et stabiliser l’environnement dans la capitale haïtienne et dans tout le pays”. Depuis, 17 résolutions du Conseil de sécurité ont perpétué la présence de forces étrangères qui, au¬delà de la répression et de la violation constante des droits de l’homme, n’a aucune raison d’être dans le pays. La résolution finale, du 10 Octobre 2013, renouvelle pour une autre année la présence controversée de la MINUSTAH dans le pays avec un effectif de 5021 militaires et 2601 policiers (dotation la plus basse depuis sa création en Février 2004, lorsque la MINUSTAH a commencé avec 6700 soldats et 1622 policiers, cette présence a atteind son apogée après le séisme de 2010 avec 8940 militaires et 4392 policiers). La force militaire provient principalement de l’Amérique latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Équateur, Salvador, Guatemala, Honduras, Paraguay, Pérou et Uruguay) de l’Asie (Philippines, Indonésie, Népal, République de Corée et Sri Lanka), ainsi que du Canada, des États-Unis, de France et de Jordanie. En ce qui concerne la police, elle est issue de 45 pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique et d’Europe, et notamment d’Espagne (voir á la fin de l’article la liste des contributions par pays). La participation des pays avec des gouvernements progressistes comme la Bolivie ou l’Equateur, a qui la société civile haïtienne a demandé à plusieurs reprises de retirer ses dispositions, ne cesse de surprendre.

 

Pour Camille Chalmers de la Plateforme Haïtienne de Pression pour un Développement Alternatif PAPDA, la présence de la MINUSTAH dans le pays est clairement illégitime et même illégal. Selon les Nations Unies «les activités de maintien de la paix des Nations Unies sont régies par trois principes fondamentaux: le Consentement des parties; l’Impartialité; le Non recours à la force sauf en cas de légitime défense et la défense du mandat”. En ce qui concerne le consentement, on ne sait pas vraiment de quelles parties il s’agit, de plus il n’y a pas de conflit armé déclaré en Haïti, au-delà du conflit politique entre le parti politique dirigeant, l’opposition, et les classes populaires. Quant à la non utilisation de la force il est évident que la MINUSTAH a clairement outrepassé son mandat. ” Entre Février 2004 et 2011, la MINUSTAH a mené de nombreuses opérations dans certains quartiers de la capitale haïtienne, notamment à Cité Solei, Bel¬Air et Martissant. Ces opérations ont causé plusieurs cas de violations [des droits de l'Homme] sur la population civile, y compris des morts, des blessés, destructions de propriété privée, maltraitance, etc.” afirme le dernier rapport de la POHDH. En Février 2007, un repportage de l’agence l’IPS a parlé de plusieurs cas de civils tués pendant les operations de la MINUSTAH dans les quartiers pauvres ou les bidonvilles de Port ¬au¬Prince, ce á quoi les responsables de la MINUSTAH ont répondu qu’il y a effectivement eu des “dommages collatéraux ” mais que son but était de lutter contre les bandes à la demande du gouvernement. Une étude menée par la même organisation a ressencé jusqu’à 74 personnes tuées dans les opérations de la MINUSTAH entre 2004 et 2006 rien que dans la zone métropolitaine de Port ¬au¬Prince, ” sans compter les nombreuses victimes de choléra “. Patrice Florvilus déclarait l’autre jour que les agissements de la MINUSTAH alimentent, de fait, un cercle vicieux de violence dont ils se servent ensuite pour augmenter leur pouvoir dans le pays.

 

En effet, pour Mortimé Antonal le cas de choléra est un «crime contre le droit à la vie. “Patrice Florivilus, avocat, est á l’origine avec le mouvement des victimes d’une plainte contre l’Etat haïtien et la MINUSTAH pour l’épidémie de choléra, il afirme que c’est un cas évident de négligence criminelle. “Comment est ce possible qu’aucun dépistage médical n’ai été fait sur les soldats?”. Toutes les études menées à ce jour disent que l’épidémie de choléra qui a déjà tué 8300 personnes et fait plus de 680.000 malades, a commencé avec la crue du fleuve principal du pays, le Artibonnite, excréments des contingent népalais. Le choléra avait été éradiqué en Haïti, et la souche de cette nouvelle épidémie est népalaise. Selon un récent article publié par Ayiti Kale Djé, ” en raison du manque de financement pour un plan d’éradication de choléra en 10 ans, la maladie peut rester endémique en Haïti pour longtemps.”

 

Le Bureau des avocats internationaux (BAI Bureau des Avocats Internacionaux) et l’Institut pour la Justice et la Démocratie en Haïti, en collaboration avec un groupe de victimes du choléra, ont déposé devant les tribunaux de New York, une plainte contre les Nations Unies. L’ONU a rejeté les demandes d’indemnisation faites à ce jour, en faisant valoir la légitimité de leurs actions. Pour la POHDH le cas du choléra n’est pas seulement une violation des droits de l’homme mais aussi de la législation haïtienne. La Constitution haïtienne de 1987, le code pénal et le code rural, sanctionnent les infractions résultant de l’imprudence et de la négligence. En outre, ” le code rural, article 297, interdit de déverser les excréments dans les rivières du pays. “Le cas de choléra n’est que la pointe de l’iceberg d’une série de violations des droits de l’Homme par la MINUSTAH dans le pays. Il s’agit notamment de cas de violence sexuelle. En effet, il ya eu de nombreuses plaintes contre les soldats de la MINUSTAH de harcèlement sexuel et même de viol. Antonal Mortimé m’a parlé de plus de 100 cas qui ont conduit à l’expulsion des soldats impliqués (“c’est la seule sanction qu’ils reçoivent, retourner à la maison, et ainsi ces crimes restent impunis»). Le cas le plus marquent est celui des quatre soldats uruguayens qui ont violé un garçon à Puerto Salud, dans le sud du pays, et qui ont filmés la scéne. Les soldats ont été condamnés à deux ans et un mois pour le viol collectif. Cela a précipité l’annonce du retrait des forces urugoyaine au sein de la MINUSTAH. Les associations de femmes féministes avec lesquelles j’ai pu parlé, Fanmi Décide (les femmes ont décidé) et de la Solidarité Fanmi Ayisèn SOFA (Solidarité des femmes haïtiennes) ont confirmée que les cas de violence sexuelle commis par les troupes de la MINUSTAH sont constantes. De plus, leur présence augmente de fait, la prostitution de jeunes filles, souvent mineurs. ” Sur les plages publiques on peut voir chaque jour, comment les soldats de la MINUSTAH obtiennent de filles démunies des prestations sexuelles en échange de quelques dollars ” me confirme Marie Ange Noël de Fanmi Décide.

 

Tout cela aboutie à s’opposer à la présence de la MINUSTAH dans le pays. Malgré l’opposition évidente de la population (un récent sondage montre qu’il ya très peu de soutien et que la plupart des personnes interrogées dans la région métropolitaine de Port¬au-Prince espèrent que les troupes se retirent dans un avenir proche) et l’opposition du Sénat haïtien, le gouvernement de Martelly a décidé en octobre dernier de demander au Conseil de sécurité des Nations Unies de renouveler une année de maintien de la paix dans le pays. Une opération qui coûte environ 600 millions de dollars annuellement. Ressources dont tout le monde pense qu’il serait plus judicieux de les consacrer aux besoins urgents auxquels est confronté le pays.

 

La demande pour que les troupes d’occupation soient retirées est très répandue parmi la société civile haïtienne. Si vous êtes à la défense des droits de l’homme, leur demande doit être la nôtre.

 

Allocation for MINUSTAH countries (October 2013)

PAÍS DE ORIGEN

POLICIA

MILITAR

Argentina

12

571

Bangladesh

5

317

Benin

42

 

Bolivia

208

 

Brazil

6

1,200

Burkina Faso

49

 

Burundi

41

 

Cameroon

35

 

Canada

82

7

Central African Republic

1

 

Chad

4

 

Chile

14

462

Colombia

34

 

Cote d Ivoire

128

 

Croatia

2

 

Ecuador

67

 

Egypt

17

 

El Salvador

3

35

France

28

2

Grenada

2

 

Guatemala

138

 

Guinea

17

 

Honduras

 1

 

India

437

 

Indonesia

169

 

Jordan

296

251

Kyrgyzstan

1

 

Mali

40

 

Nepal

141

363

Niger

56

 

Nigeria

2

 

Norway

6

 

Pakistan

140

 

Paraguay

163

 

Peru

373

 

Philippines

16

159

Republic of Korea

2

 

Romania

22

 

Russian Federation

9

 

Rwanda

158

 

Senegal

148

 

Spain

9

 

Sri Lanka

3

861

Thailand

6

 

Tunisia

14

 

Turkey

13

 

United States of America

51

9

Uruguay

4

945

Vanuatu

1

 

Yemen

23

 

TOTAL

2.601

5.021

The 10 countries in bold are the main contributors to MINUSTAH

 

- Iolanda Fresnillo, Jubileo Sur.