Forum social sur

la communication : Paradoxes africains et priorités

2005-08-09 00:00:00

Réfléchit-on assez sur les questions stratégiques de l’information et de la communication ? Comment traduire cette problématique globale en objectifs clairs et réalistes ? Quels sont les espaces les plus appropriés pour lancer le débat et les actions ? Telles sont les questions que le Forum social sur la communication a proposé au menu de l’un de ses panels, l’un des rares où l’Afrique a fait entendre sa voix… sous le signe du paradoxe. En effet, la directrice de l’Institut Panos Afrique de l’Ouest, Mme Diana Senghor, s’est d’emblée interrogée sur la pertinence du sujet pour l’Afrique. «Dans quelle mesure l’Afrique est-elle atteinte par la marchandisation de l’information ?», se demande-t-elle. Et au regard des taux marginaux d’alphabétisation dans les langues de production des journaux – environ 30% de populations alphabétisées en Afrique de l’Ouest - et des problèmes de distribution de la presse, la réponse va de soi : « L’Afrique ne semble pas affectée par le contrôle des moyens d’information et de communication par le marché ».

Reste alors l’espoir suscité par la floraison des radios (dont 150 au Mali) et singulièrement des radios communautaires, symboles de la pluralité voire du pluralisme médiatique et de la diversité. Mais à ce niveau encore, Diana Senghor rétorque que «la pauvreté est parfois telle que des auditeurs n’ont même pas les moyens de s’offrir régulièrement des batteries pour faire fonctionner leurs postes récepteurs ! ». Il s’y ajoute que les services publiques de radiodiffusion ne desservent pas toutes les régions. Au Sénégal, par exemple, la Radiodiffusion télévision sénégalaise ne couvre que 70% du territoire.

Pourtant, il existe bel et bien des opinions puliques sur le continent. Au lendemain des attentats contre le World Trade Center, une étude menée par un sociologue au Nord du Mali a révélé que les habitants d’un village en marge des flux d’information mondialisés étaient capables de dire combien de personnes y avaient perdu la vie. Dès lors, la directrice de l’Ipao en déduit qu’elles s’informent, en partie, par des canaux autres que médiatiques. Et d’ajouter que «nous ne devrions pas surestimer le rôle des médias dans la société de l’information», pour souligner ensuite qu’il y a une véritable place pour les technologies de l’information et de la communication (internet, téléservices, etc) et surtout pour les canaux traditionnels d’acquisition et de partage d’informations.

Quand bien même l’Afrique ne serait pas touchée outre mesure par la « mercantilisation » de l’information, elle n’est pas épargnée par ses deux corollaires que sont la privatisation et la mondialisation. Les conséquences qui en résultent sont, en ce qui concerne la privatisation, l’abandon du service public et l’accaparement des médias indépendants par des lobbies. Quant à la mondialisation, elle laisse l’Afrique en marge de ses priorités, tant au point de vue des contenus que de l’investissement. La banqueroute de l’Agence panafricaine d’informations (Pana), qui survit difficilement, en est une illustration.

Toutefois, Mme Senghor se félicite des «résistances» développées au niveau local. A l’exemple de ce journaliste Sénégalais qui y est allé de sa propre poche pour se rendre en Irak pendant la guerre. Mais le tableau reste peu reluisant et pousse à tirer quelques priorités pour le secteur de la communication africain. Selon Mme Senghor, il faut, au plan politique, garantir et promouvoir le droit et l’accès à l’information. En cela, l’Union africaine doit jouer un rôle central. Le service public de radiodiffusion doit être restauré en «réinventant le rôle de la radio publique». L’Afrique doit aussi faire entendre sa voix au niveau international, mais surtout faire valoir ses arguments quant au fossé numérique et à la diversité. Le renforcement des capacités des organisations de la société civile est encore préconisé sur ces questions, mais aussi des gouvernements africains. Et la directrice de l’Institut Panos Afrique de l’Ouest d’en appeler à la coordination des résistances qui s’organisent déjà. Résistances politiques dans le cadre des pays en situation post-conflit et en période électorale, résistances culturelles et sociales avec les langues nationales et l’appropriation des moyens de communication par les femmes, résistances au niveau organisationnel avec les organisations de la société civile, etc. Ces résistances devraient être connectées les unes aux autres grâce aux technologies de l’information et de la communication.